SARAH & DEFIEUX
Avocats à la Cour
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Inopposabilité de la fausse déclaration intentionnelle à la victime d'accident de la route


Dans une décision du 16 janvier 2020, la Cour de cassation a confirmé que la nullité du contrat d’assurance de responsabilité civile automobile pour fausse déclaration intentionnelle était inopposable à une victime d'accident de la route et à ses ayants droits.

 

Un particulier a souscrit le 6 juillet 2011 un contrat d’assurance pour son véhicule.

Le 19 juillet 2014, alors qu’il conduisait en état d'ébriété, il a abandonné sur une voie ferrée son véhicule qui a été percuté par un train.

L'assureur de l’automobiliste a indemnisé la victime (la SNCF) des dommages matériels importants subis par le train.

Après avoir notifié à son assuré la nullité du contrat pour défaut de déclaration d'un élément de nature à changer l'opinion du risque par l'assureur en cours de contrat, à savoir sa condamnation pénale pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique intervenue un an plus tôt, l’assureur a engagé un recours contre son assuré afin d’obtenir le remboursement des sommes versées, soit la somme de 1 425 203,32 €.

L’assureur a demandé que la décision soit déclarée opposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO), lequel est intervenu volontairement à l'instance et a sollicité sa mise hors de cause.

La cour d’appel déboute l’assureur de ses demandes formulées à l’encontre du FGAO.

L’assureur forme un pourvoi contre la décision d’appel, lequel est rejeté par la Cour de cassation.

Dans sa décision du 16 janvier 2020, la Cour de cassation affirme en préambule que la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, par arrêt du 20 juillet 2017 (CJUE 20 juill. 2017, aff. n° C 287-16) que les directives « assurance automobile » (Cons. CE, dir. 72/166/CEE, 24 avr. 1972, art. 3 §1 et Cons. CE, dir. 84/5/CEE, 30 déc. 1983, art. 2 § 1) doivent être « interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à une réglementation nationale qui aurait pour effet que soit opposable aux tiers victimes, dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, la nullité d'un contrat d'assurance de responsabilité civile automobile résultant de fausses déclarations initiales du preneur d'assurance en ce qui concerne l'identité du propriétaire et du conducteur habituel du véhicule concerné ou de la circonstance que la personne pour laquelle ou au nom de laquelle ce contrat d'assurance est conclu n'avait pas d'intérêt économique à la conclusion dudit contrat ».

Ce principe posé, la Cour de cassation en déduit que la nullité édictée par l'article L. 113-8 du code des assurances, tel qu'interprété à la lumière de la directive du 16 septembre 2009 n° 2009/103/CE qui a abrogé et codifié les directives susvisées, n'est pas opposable aux victimes d'un accident de la circulation ou à leurs ayants droit.

Or, le FGAO ne pouvant être appelé, en vertu de l’article R. 421-18 du code des assurances, à indemniser la victime qu'en cas de nullité, de suspension du contrat ou de la garantie, de non-assurance ou d'assurance partielle du contrat opposable à la victime, le FGAO ne pouvait être appelé à prendre en charge tout ou partie de l'indemnité versée par l'assureur à la SNCF et a, à bon droit, été mis hors de cause dans l'instance engagée par l’assureur à l'encontre de son assurée.

 

L’article L. 113-8 du code des assurances prévoit une sanction de nullité du contrat d’assurance pour fausse déclaration intentionnelle de l’assuré : «  […]le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre. »

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 janvier 2020, l’assureur a appliqué cette sanction de nullité à l’assuré automobiliste en lui reprochant d’avoir commis une fausse déclaration intentionnelle pour ne pas avoir révélé la condamnation pénale dont il avait fait l’objet un an avant l’accident pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique.

La nullité pour fausse déclaration intentionnelle du contrat d’assurance auto était auparavant opposable à la victime d’un accident de circulation (C. assur. L.112-6 – voir pour une application Cass. crim., 12 juin 2012, n° 11-87.395) : l’assureur qui annulait le contrat n’avait pas à prendre en charge le sinistre de sorte que la victime n’avait d’autre recours que contre l’assuré et le FGAO (ayant précisément pour objet de couvrir la victime du risque d’insolvabilité de l’assuré).

En effet, en matière de dommages aux biens, le FGAO peut être saisi d’une telle demande en garantie en cas de nullité du contrat d’assurance de responsabilité civile automobile uniquement sous réserve que la nullité du contrat soit opposable à la victime, conformément aux prescriptions de l’article R 421-18 du code des assurances alinéa 6 :

« Lorsqu'un contrat d'assurance a été souscrit pour garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile découlant de l'emploi du véhicule qui a causé les dommages matériels, le fonds de garantie ne peut être appelé à indemniser la victime ou ses ayants droit qu'en cas de nullité du contrat, de suspension du contrat ou de la garantie de non-assurance ou d'assurance partielle, opposables à la victime ou à ses ayants droit. »

Si l’assureur avait payé l’indemnité, notamment dans le cadre d’un paiement « pour le compte de qui il appartiendra », c’est lui qui pouvait agir à l’encontre de l’assuré en remboursement des sommes versées et du FGAO (R421-5 et R421-18 du code des assurances).

C’était le cas dans l’arrêt commenté, l’assureur ayant indemnisé la SNCF des dommages consécutifs à l’accident puis annulé le contrat d’assurance pour fausse déclaration intentionnelle de l’assuré : il s’est retourné contre son assuré et a mis en cause le FGAO afin de rechercher sa garantie en vertu de la règle selon laquelle la nullité du contrat d’assurance était bien opposable à la victime.

Mais au travers de l’arrêt rapporté, la Cour de cassation a confirmé le revirement de jurisprudence, amorcé par un arrêt de la 2ème chambre civile du 29 août 2019 (Cass. 2e civ., 29 août 2019, n° 18-14.768) en s’appuyant sur un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (6e chambre) rendu en date du 20 juillet 2017.

De l’arrêt de la CJUE, la Cour de cassation retient que les directives européennes sur l’assurance automobile (Cons. CE, dir. 72/166/CEE, 24 avr. 1972, art. 3 §1 et Cons. CE, dir. 84/5/CEE, 30 déc. 1983, art. 2 § 1) s’interprètent en ce sens que la nullité d’un contrat d’assurance pour fausse déclaration intentionnelle de l’assuré ne peut être opposable au tiers victime.

Le législateur avait le premier tiré les conséquences de la décision de la CJUE en adoptant l’article L.211-7-1 du Code des assurances selon lequel « la nullité d'un contrat d'assurance souscrit au titre de l'article L. 211-1 n'est pas opposable aux victimes ou aux ayants droit des victimes des dommages nés d'un accident de la circulation […] » (Article issu de la loi n°2019-486 du 22 mai 2019).

Mais cette loi n’avait d’effet que pour les accidents postérieurs à son entrée en vigueur.

Depuis la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation, la nullité du contrat d’assurance de responsabilité civile automobile pour fausse déclaration intentionnelle de l’assuré est inopposable à la victime d’un accident de la circulation ou à ses ayants-droits, peu importe la date de l’accident.

Il résulte de ce nouveau cadre juridique que même en cas de nullité du contrat d’assurance pour fausse déclaration intentionnelle de l’assuré, l’assureur doit obligatoirement indemniser la victime de son préjudice.

En outre, le FGAO ne pouvant être appelé, en vertu de l’article R. 421-18 du code des assurances, à indemniser la victime qu'en cas de nullité, de suspension du contrat ou de la garantie, de non-assurance ou d'assurance partielle du contrat opposables à la victime, il ne peut être mis en cause par l’assureur dès lors que la nullité du contrat invoquée est inopposable à ladite victime…

Dans l’affaire commentée, l’assureur avait versé l’indemnité d’assurance à la SNCF (1 425 203,32 €) en pensant pouvoir bénéficier de la garantie du FGAO.

Compte tenu de la nouvelle jurisprudence mise en place, il en sera pour ses frais. 

En définitive, il résulte de ce qui précède que l’assureur tenu au versement de l’indemnité d’assurance en cas d’accident automobile n’aura de recours que contre son assuré avec le risque évident d'insolvabilité de celui-ci sans pouvoir compter sur le concours du Fonds de garantie FGAO.

 

Cass. 2e civ., 16 janv. 2020, n° 18-23.381, F-P+B+I


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